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La frénésie des études à l'étranger
2004-09-01 00:00

Il y a 130 ans que des Chinois allèrent étudier à l'étranger, mais la vague actuelle commença à la fin des années 1970 au moment où le pays rouvrit ses portes au monde extérieur après des décennies d'isolement. Dans l'ère moderne de la mondialisation, il y a une demande toujours croissante de personnes compétentes qui reviennent en Chine avec des connaissances et une expérience acquises outre-mer. On remarque que les étudiants chinois d'aujourd'hui qui vont à l'étranger sont plus jeunes que leurs prédécesseurs, la plupart sont nouvellement diplômés, mais on voit aussi un nombre croissant d'adolescents partir pour l'étranger. Malgré le débat sur ce phénomène qui échauffe les esprits au pays, les files d'attente pour l'obtention d'un visa d'étudiant s'allongent aux ambassades et consulats étrangers à travers la Chine.

L'étudiante Wang Wei a quitté Beijing pour Londres le 15 juillet, à destination d'une université de médecine. Pour ce faire, elle a abandonné ses études à la faculté de médecine de l'Université de Beijing, mais c'était une décision bien réfléchie.

 

Il y a deux ans, Wang, alors âgée de 20 ans et qui rêvait depuis longtemps de devenir médecin, a été admise à la plus prestigieuse institution de haut savoir de Chine dans le milieu médical. Malgré ses bonnes notes à l'examen d'entrée, elle a été assignée aux sciences infirmières plutôt qu'aux sciences cliniques. Les jours suivants, Wang a essayé d'obtenir un changement, mais en vain. Dès lors, elle s'est mise à travailler fort pour réussir le IELTS - le test international de langue anglaise requis par les universités de Grande-Bretagne, d'Australie, de Nouvelle-Zélande et du Canada, dans l'espoir de réaliser son rêve d'étudier outre-mer. Elle a réussi et étudie actuellement la médecine en Grande-Bretagne.

Un choix à la mode

De plus en plus de jeunes chinois suivent le même chemin que Wang Wei. La plupart des grandes villes, surtout dans les régions côtières, deviennent frénétiques chaque année après les examens d'admission dans les universités du pays où les étudiants se préparent à partir pour l'étranger. Les diplômés d'école secondaire sont devenus le groupe à la plus rapide expansion sous cet aspect.

Selon les statistiques du ministère de l'Éducation, le nombre d'étudiants chinois à l'étranger a triplé au cours des trois dernières années, sautant de 39 000 en 2000 à 117 000 en 2003. Par ailleurs, les étudiants qui assument eux-mêmes leurs frais d'études se sont accrus de 32 000, ou 82 % du total, à 110 000 ou 93,05 %.

Depuis le milieu des années 1990, le nombre d'élèves du primaire et du secondaire qui étudient à l'étranger a aussi augmenté. Dans certaines villes du sud, ceux du secondaire représentent 70 à 80 % des candidats pour l'étranger. Un sondage mené par l'Université de Shenzhen a montré que 86,6 % des élèves du secondaire souhaitent aller à l'étranger, 10 points de plus que le pourcentage des étudiants d'université.

Li Ping, directeur général de la compagnie Aoji, une agence intermédiaire de Beijing, admet que les candidats sont de plus en plus jeunes, plusieurs ont 15 ou 16 ans. « Dans le passé, la plupart étaient dans la trentaine, a-t-il dit. Aujourd'hui, on semble déjà trop vieux à 25 ans pour aller à l'étranger et la plupart des étudiants ont entre 16 et 24 ans. »

Les destinations ont aussi changé. Les experts estiment qu'il y a des étudiants chinois dans au moins 103 pays et régions partout dans le monde. À côté des favoris de longue date comme les États-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne, le Japon et quelques autres pays développés, des pays moyennement développés ou en développement absorbent aussi des étudiants chinois.

L'année 2002 a connu une augmentation de 70 % en un an des étudiants chinois en Grande-Bretagne et de 50 % en ce qui concerne l'Australie et le Canada. Des pays comme l'Allemagne, la France et l'Ukraine, dont la langue n'est pas populaire en Chine mais où les frais d'études sont relativement bas, sont devenus le choix des étudiants de familles moyennes. En outre, la Russie, l'Afrique du Sud, l'Italie, la Nouvelle-Zélande, Singapour, la Malaisie et la République de Corée sont de nouveaux points d'attraction.

« Depuis que l'organisation des Jeux olympiques de 2008 par Beijing est censée ouvrir davantage la Chine, plusieurs personnes croient que la faculté de traiter avec les étrangers prendra une importance sans précédent, même dans le développement d'une carrière au pays. Cela étant, l'expérience des études outre-mer semble la meilleure préparation », a dit Hou Shijun, directeur général de la compagnie d'échanges culturels Ziming de Beijing.

Les experts pensent que le nombre de Chinois qui étudient à l'étranger va continuer de croître jusqu'à la moitié du siècle.

Un choix obligatoire

Ces dernières années, de plus en plus de diplômés d'école secondaire qui échouent à l'examen d'admission à l'université voient la poursuite de leurs études à l'étranger comme une alternative. Pour leurs parents, cela semble la meilleure façon de relâcher la pression sur leurs enfants. Outre les diplômes, étudier à l'étranger peut aussi enrichir leur expérience et leur donner de solides avantages dans le marché de l'emploi, comme la maîtrise d'une langue étrangère, qui leur assureront un emploi prometteur et de généreux gains quand ils reviendront au pays.

« Ma seule raison d'envoyer mon fils à l'étranger est la concurrence coupe-gorge à l'examen d'admission à l'université, dit une mère. Depuis le premier jour de mon fils à l'école secondaire, nous avons commencé à craindre cet examen. Bien que le taux d'admission dans les institutions de haut savoir ait considérablement augmenté ces récentes années, le choix des étudiants converge vers les quelques universités prestigieuses. Et certains jeunes rejettent toute substitution : ils veulent les écoles de plus haut niveau et les facultés les plus populaires. Les choix sont donc trop limités. Alors, j'ai préféré que mon fils commence ses études outre-mer le plus tôt possible. »

La plainte de cette mère est partagée par les experts en éducation qui attribuent le phénomène de croissance du nombre d'adolescents à l'étranger au déséquilibre de l'offre et de la demande du marché national de l'éducation. Comme le taux d'admission à l'université est relativement bas, les jeunes Chinois font face à une dure compétition qui les force à s'expatrier pour étudier.

Il en va de même pour plusieurs diplômés d'université qui s'en vont pour échapper à la pression de l'emploi. Incapables de trouver du travail, ils choisissent de poursuivre leurs études au pays ou à l'étranger. Toutefois, l'examen de qualification post-doctoral en Chine est particulièrement exigeant, et aller à l'étranger promet de brillantes perspectives car l'expérience internationale est un urgent besoin du développement rapide de la Chine. Et si les étudiants ont à leur crédit des réalisations académiques extraordinaires et les notes suffisantes pour leur assurer une bourse d'études, leur décision sera beaucoup plus facile à prendre.

La plupart des étudiants universitaires pensent que l'étude des tendances modernes et des technologies de pointe d'outre-mer augmentera considérablement leurs chances de succès. C'est pourquoi plusieurs étudiants de familles à l'aise choisissent en tête de liste les études à l'étranger. Ceux de familles moyennes, qui voient cela comme un rêve presque irréalisable, n'abandonnent pas la lutte. La plupart chercheront à être recrutés par des universités étrangères. Un étudiant de l'Université du Guangxi, accepté par une université britannique, a dit que six de ses confrères se préparent à poursuivre leurs études outre-mer.

Un sondage parmi les étudiants montre que 32 % des répondants croient que les études à l'étranger élargissent leur vision et enrichissent leur expérience, et que 20 % disent que le plus grand bénéfice consiste à améliorer leur faculté de résoudre par eux-mêmes des problèmes complexes. De plus, un grand nombre d'étudiants espèrent se perfectionner dans leur domaine d'étude et acquérir des idées plus avancées, surtout l'expérience de gestion.

Autrement dit, le but ultime des étudiants est d'acquérir un avantage dans le marché de l'emploi face à la compétition croissante au pays parmi les diplômés d'université qui ne cessent d'augmenter.

« Dans cette situation, ma compétence et mes réalisations universitaires deviennent plus importants. Je dois donc rechercher de nouvelles connaissances et un nouveau savoir faire », dit une étudiante.

Une écrasante majorité des étudiants, 82,3 % selon le sondage, pensent qu'ils auront de meilleures occasions de réussir leur carrière au pays plutôt qu'à l'étranger, tandis qu'une poignée seulement songent à s'établir à l'étranger. Xiao Hao, qui étudie actuellement en Grande-Bretagne, dit que le développement rapide de la Chine fait des études à l'étranger une nécessité.

Un choix controversé

Han Liangcai, comptable de 45 ans de Shanghai, a envoyé son fils au Canada il y a deux ans. « Mon fils était très indiscipliné selon ses enseignants, et a fomenté presque tous les incidents dans sa classe », a dit Han, ajoutant que les enseignants admettaient pourtant que l'enfant était intelligent. Jugeant que les méthodes d'enseignement entraient en conflit avec le caractère de son fils, Han a suivi la tendance de ses amis et envoyé son fils à l'étranger. La famille y a mis toutes les économies destinées à une nouvelle maison. Après le départ de l'enfant, Han et sa femme ont passé des nuits blanches à s'inquiéter pour son bien-être, et ont fini par faire revenir leur fils.

Shang Hui, 47 ans, a toutefois une histoire différente. « Mon mari et moi avons tous deux étudié aux États-Unis, et même si nous sommes revenus, nous apprécions beaucoup le style d'éducation des États-Unis. Nous pensons envoyer notre enfant et croyons que le plus tôt sera le mieux. »

« Il existe un vieux malentendu au sujet des études à l'étranger dans l'esprit des Chinois, a dit Xu Xiaoping, vice-président du Groupe de nouvelle éducation orientale de Beijing. Bien des étudiants chinois sont partis avec des objectifs définis, tandis que certains esprits terre à terre sont motivés par la vanité, le désir de fuir la pression ou la recherche d'un diplôme étranger. Étudier à l'étranger n'est qu'une façon de recevoir un enseignement, et ne signifie rien de plus », selon Xu.

L'enseignant Wang de l'école secondaire no 44 de Beijing impute au système d'enseignement actuel en Chine l'exode des étudiants. « Plusieurs écoles n'ont pas réussi à établir un milieu qui réponde aux besoins des jeunes. Dans la période de base de l'éducation, l'école est séparée de la société réelle et les programmes sont ennuyeux. Les étudiants choisissent d'étudier hors du pays parce qu'ils ne peuvent donner libre cours à leur expression ici. »

Le Pr Ding Jiayong de l'Université normale de Nanjing précise toutefois que les élèves du primaire et du secondaire tirent peu de profit des études à l'étranger. Il dit que le système d'éducation de base en Chine est solide et que les écoles chinoises sont meilleures sous certains aspects, car les enfants ont peu d'expérience de la vie et devront affronter des défis pour s'adapter à la vie étrangère. Aussi sont-ils vulnérables aux mauvaises influences loin de la supervision des parents. Il ajoute que ce choix aveugle est dû à un mythe, et prévient les parents de réfléchir aux décisions contre-productives.

Un investissement coûteux

Dans les années 1990, seules quelques familles bien nanties ou de haut statut social pouvaient envoyer leurs enfants faire leurs études à l'étranger.

Plus tard, des familles de classe moyenne ont suivi, et aujourd'hui le phénomène est généralisé.

Selon une mère qui prévoit envoyer sa fille, actuellement en 1re année du secondaire du deuxième cycle, en Nouvelle-Zélande, il en coûtera au moins 600 000 yuans (environ 72 500 USD) pour couvrir les cinq ans et demi d'études, en plus des propres gains de l'étudiante dans le cadre d'un projet études-travail. La durée comprend six mois d'étude de l'anglais, les deux dernières années du secondaire, une année préparatoire et trois ans d'université. Les dépenses sont dix fois plus élevées qu'en Chine. Si la jeune fille ne réussit pas le test de compétence en anglais après six mois, la mère devra envisager 100 000 yuans de plus (environ 12 000 USD) pour une année supplémentaire.

En Angleterre, il en coûterait 50% de plus qu'en Nouvelle-Zélande. Aux États-Unis, les frais d'études et de vie d'un étudiant de troisième cycle universitaire sont de 20 000 à 30 000 dollars par an, et davantage dans les universités prestigieuses.

En 2003, le revenu annuel des Chinois par personne était en moyenne de 1 000 USD.

Les statistiques de l'Unesco montrent que la Chine est devenue la plus importance source d'étudiants à l'étranger en 2002, avec une évaluation conservatrice de 460 000 étudiants dans 103 pays et régions.


Beijing Information     2004/08/31

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