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Un nouveau levier de la stratégie international de la Chine : la Banque Asiatique d'Investissement dans les Infrastructures
2017-04-05 00:18

La création de la BAII est un franc succès pour la diplomatie chinoise au service d'une stratégie économique et commerciale proactive. Elle a le mérite de diversifier les financements offerts aux pays de la région Asie-Pacifique. Elle traduit également les difficultés que les Etats-Unis rencontrent pour préserver leur leadership.

La Chine a pris l'initiative de créer une nouvelle institution financière internationale : la BAII basée a Beijing et est opérationnelle depuis 2015. Elle compte 57 pays actionnaires en son sein. Cette initiative a déjà fait couler beaucoup d'entre car elle interpelle sur les intentions de la Chine.

Les besoins en infrastructures en Asie sont importants, mais il existe déjà plusieurs banques multilatérales qui s'attellent à les combler comme la Banque mondiale, la BASD et la Banque Européenne pour la reconstruction et le développement. La question est donc de savoir si cette initiative chinoise ne répond pas à d'autres objectifs : renforcer l'emprise régionale de la Chine, remettre en cause l'ordre international né au lendemain de la seconde guerre mondiale avec la création des institutions de Brettons Woods ou encore contrer le Japon qui réside dans la BASD.

En réalité, la création de cette institution financière sur le model des banques multilatérales existantes, s'inscrit d'abord sur la stratégie commerciale de la Chine. Il s'agit de développer des liaisons avec les marchés extérieurs mais les visés géopolitiques sont également présents.

1)      Combler les besoins en infrastructures en Asie pour soutenir la stratégie commerciale de la Chine.

     Selon la BASD, les besoins en infrastructures de la région Asie-Pacifique s'élèvent a un peu plus de 8000 milliards de dollars US sur la période 2010-2020, soit environ 800 milliards par an. Toutes les analyses du G20, l'OCDE et la BM concluent dans le même sens. De leur côté, le financement des banques multilatérales sont très en-dessous des besoins. De plus, ces institutions ne financent pas uniquement les infrastructures, mais aussi l'éradication de la pauvreté et la lutte contre le changement climatique. La création de la BAII est donc pertinente à ce niveau : elle complètera plus qu'elle ne concurrencera les institutions financières existences, elle contribuera à impliquer le secteur privé et donc d'accroitre les ressources allouées aux infrastructures. Enfin, elle permettra sans doute de mobiliser une partie des importantes réserves de change de la Chine soit 3650 milliards de dollars.

     La Chine cherche  à développer son accès aux marchés extérieurs, tant pour ses importation de matières premières et d'énergie que pour ses exportations de marchandises. Elle a donc besoin de routes, ports, aéroports, pipelines, réseaux de communication etc.

Elle a mis au point l'initiative La ceinture et la route. La ceinture désigne la voie terrestre destinée à relier la Chine à l'Europe du nord via l'Asie centrale et l'Europe de l'est ainsi que la Russie. La route concerne la liaison maritime vers le Golfe persique, l'Océan indien et la Méditerranée.

Ainsi, le port grec du Pirée acquis par une société chinoise servira de plateforme d'accès à l'Europe. La BAII est destinée à devenir le bras multilatéral de la stratégie chinoise qui complétera les autres moyens bilatéraux importants que la Chine mobilise.

     Les autorités chinoises ont choisi d'instituer une banque multilatérale pour financer les besoins en infrastructures. Ce modèle présente un double avantage financier et politique. Sur le plan financier, ce type d'institution fonctionne sur la base d'un capital dont une partie seulement est libérée, le reste servant de garantie aux emprunts de la banque sur les marchés financiers internationaux. Cette garantie n'est libérée qu'en cas de défaillance des emprunts à rembourser les prêts consentis par la banque. Pour la Chine, ce modèle de banque permet d'obtenir un effet de levier tant par le niveau peu élevé de la part du capital libéré que par les apports des autres pays actionnaires. Sur le plan politique, ce modèle de banque permet d'associer plusieurs pays et de coordonner l'emploi de ressources financières en vue d'objectifs communs.

2)      Une situation géopolitique complexe

     La création de cette institution financière internationale est intervenue dans une situation de géopolitique complexe liée à la montée en puissance de la Chine. Tout en proclamant sa volonté de coopération régionale, la Chine affiche  des prétentions territoriales liée à son projet La ceinture et La route.

La création de la BAII par la chine est aussi une réponse à ce blocage dont les Américains portent la responsabilité. La Chine n'entend pas se retirer des instances de coopération multilatérales (ONU, BRD…). Elle continue d'y contribuer financièrement et la direction de la BAII faisait savoir il y a quelques jours qu'elle entend coopérer avec les instances multilatérales présentes dans les pays où elle opèrera.

      La BAII a le mérite de diversifier les financements offerts aux pays de la région Asie-Pacifique. Néanmoins, le principal problème pour la BAII semble être d'ordre opérationnel lorsqu'il s'agira de trouver des projets d'infrastructures bancables, c'est-à-dire réunissant les conditions financières, institutionnelles et de durabilité satisfaisante.
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